La notion de genre dans l’agriculture ivoirienne
« On ne naît pas femme, on le devient. » écrivait Simone de BEAUVOIR, célèbre philosophe et romancière française, dans son essai existentialiste « Le deuxième sexe » paru en 1949. Elle jetait déjà dans son essai les bases de plusieurs études sur le genre en tant que science sociale. On parlera plus tard de la « sociologie du genre » qui distingue la notion de sexe de celle de genre. Le sexe s’apparente plus à la morphologie, aux attributs physiologiques des hommes et des femmes. Le genre étant le résultat d’une construction sociale et culturelle acceptée de toute la société au fil des ans, propre à chaque civilisation, culture, continent, pays, voire à chacune des régions d’un même pays.
La problématique du genre dans l’agriculture ivoirienne se pose différemment d’une zone rurale à une autre, voire d’une spéculation agricole à une autre. Elle prend en compte des réalités socio-culturelles et politiques différentes. Ce qui la rend complexe et sensible.
De manière générale, la construction sociale en milieu rural se fonde essentiellement sur l’homme (« masculin ») en tant que chef, garant de la morale et de l’harmonie au sein de la cellule familiale qui bénéficie de plusieurs privilèges. Les droits civil et coutumier sont à son avantage. La conscience collective en milieu rural lui confère le droit de posséder plus de terres et d’hériter plus facilement des terres familiales en cas de décès d’un parent proche ou lointain. Ce qui est difficilement acceptable lorsqu’il s’agit d’une femme.
Les cultures de rente (café, cacao, cajou, coton, hévéa, palmier à huile) sont généralement les affaires des « hommes » parce que nécessitant des investissements (physiques et financiers) plus conséquents et génèrent également des revenus relativement importants. Dans la plupart des régions de production, les femmes qui possèdent des exploitations de cultures de rente sont qualifiées de femmes « garçons » faisant référence à une forme de masculinité qu’elles posséderaient.
Généralement les cultures vivrières (riz, légumes, tubercules et autres) sont confiées aux femmes qui les cultivent sur de petites surfaces avec très peu de moyens. C’est à elles que revient la responsabilité de nourrir la famille. Les hommes qui cultivent les vivriers dans les villages sont très souvent taxés de « femmes », voire de « paresseux » et font souvent l’objet de railleries de la part des autres hommes.
Il existe toujours des problèmes de succession ou d’héritage, d’attribution des terres au sein des familles entre « hommes » et « femmes » dans toutes les régions de production agricole.
Les femmes sont généralement absentes ou très peu représentées au sein des instances où se prennent les décisions qui organisent et orientent les vies des collectivités rurales. Elles sont souvent peu ou pas consultées même lorsqu’il s’agit des questions qui les concernent directement.
La résolution des problèmes liés au genre dans l’agriculture ivoirienne pourrait passer par une plus grande implication ou représentativité des femmes au sein des instances locales ou villageoises de prise de décision ; et aussi par une meilleure sensibilisation des communautés villageoises sur la notion de genre de manière à impliquer un plus grand nombre afin d’aboutir à des changements de comportement durables. Ce qui peut garantir la construction d’un bien-être social durable en milieu rural et partant pour tout le pays.
Les minorités dans l’agriculture ivoirienne
Il convient de faire une distinction entre le terme « minorité » par opposition à celui de «majorité » qui renvoie à l’état d’une personne que l’on peut considérer comme immature oupas encore légalement responsable de ses actes ; et le concept de « minorité » au plan national qui fait référence à un groupe de personnes dit minoritaire au sein d’un état et qui soulève des questions de droit.
Nous n’avons pas trouvé dans la littérature scientifique une définition consensuelle du concept de « minorité » au plan national. Ainsi, nous retiendrons la définition de deux éminents juristes italien et canadien de droit international que sont Francesco Capotorti (1925-2002) et Jules Deschênes (1923-2000) dans leur étude sur la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités pour le compte de l'ONU en 1991 et qui ont défini le concept de minorité comme : « un groupe numériquement inférieur au reste de la population d'un État, en position non dominante, dont les membres – ressortissants de l'État – possèdent, du point de vue ethnique, religieux ou linguistique, des caractéristiques qui diffèrent du reste de celles de la population et manifestent, même de façon implicite, un sentiment de solidarité, à l'effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue ».
Le terme « minorité »sociale souvent utilisé pour faire référence à un groupe social au sein d’un même pays ou dans un secteur économique tel que l’agriculture ivoirienne, pour désigner les femmes, les jeunes, les enfants ou les populations étrangères serait donc erroné au sens de la définition de Francesco Capotorti et Jules Deschênes.
Ainsi, les problèmes auxquels font régulièrement face ces différents groupes dans le secteur de l’agriculture ivoirienne sont à qualifier de problèmes sociaux et non de problèmes de minorité.
Nous aborderons dans le prochain article les problèmes sociaux dans l’agriculture ivoirienne.
Steve D.